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Rapport sur la Réunion de réflexion de l’ACICI
Les aspects juridiques du Programme de travail de Doha et, plus particulièrement, le traitement spécial et différencié
(tenue à la salle E, Organisation mondiale du commerce, Genève, le 4 juillet 2002)


Introduction
Aperçu général des aspects juridiques du Programme de travail de Doha
Mise en œuvre et dispositions du traitement spécial et différencié
Aspects juridiques du traitement spécial et différencié
Débats relatifs au traitement spécial et différencié au sein du Comité du commerce et du développement, réuni en session extraordinaire
Table ronde

I. Introduction

1. Ce séminaire a été organisé en réponse aux demandes émanant des pays les moins favorisés (PMF). Il était destiné à la fois à comprendre de façon plus approfondie les questions inhérentes au traitement spécial et différencié, avec plus particulièrement quelques-uns des aspects du Programme de travail de Doha, et à faciliter le débat et un échange de points de vue.

2. Avant de conclure ce séminaire par une table ronde, plusieurs exposés ont été présentés sur les sujets suivants :

● un aperçu général des aspects juridiques du Programme de travail de

Doha ;

● la mise en œuvre et les dispositions du traitement spécial et différencié ;

● les aspects juridiques du traitement spécial et différencié ; et

● les débats relatifs au traitement spécial et différencié au sein du Comité du commerce et du développement, réuni en session extraordinaire.

● La Déclaration de Doha est un accord de coopération entre les membres relatif à une série de questions de préoccupation commune. En termes juridiques, elle est très importante en tant qu’outil d’interprétation et pourrait, en principe, être utilisée lors des procédures de règlement des différends, mais uniquement en tant que preuve de « pratique ultérieurement suivie » [Note 1] par les membres de l’OMC. Rien n’empêche que des sujets soient examinés à la fois par un organe de négociation de l’OMC et l’Organe de règlement des différends, bien que cela ne soit pas souhaitable.

● En revanche, les décisions adoptées à la Conférence ministérielle de Doha, comme la Décision sur les questions et préoccupations liées à la mise en œuvre (ci-après « la Décision sur la mise en œuvre »), sont juridiquement contraignantes et font partie du cadre législatif général du droit et des pratiques de l’OMC. Il en va de même pour les dérogations approuvées à Doha concernant l’Accord de partenariat ACP-CE et le régime transitoire des CE aux importations de bananes.

● Il existe un chevauchement entre les sujets pour lesquels des négociations sont nécessaires, conformément à la Déclaration de Doha, et ceux pour lesquels des questions de mise en œuvre doivent être étudiées, en vertu de la Décision sur la mise en œuvre. Lorsqu’un chevauchement se produit entre deux domaines (comme c’est le cas pour l’agriculture, par exemple), le règlement des questions de mise en œuvre et la négociation de nouvelles disciplines devraient être interconnectés.

● Cependant, d’autres thèmes (comme l’investissement et la concurrence) devront être négociés sur la base d’une décision qui sera prise à la cinquième Conférence ministérielle, en se fondant sur un « consensus explicite » en ce qui concerne les modalités.

● Fait important, le traitement spécial et différencié est une « question transversale » qui doit être abordée conformément à la Décision sur la mise en œuvre [Note 2].

● Selon les mandats de négociations existants, les obligations déjà en place doivent être clarifiées (c’est-à-dire interprétées) dans un certain nombre de domaines.

● Dans le Programme de travail, les modifications des règles de l’OMC actuellement en vigueur sont requises de façon explicite pour l’agriculture uniquement. Le traitement spécial et différencié doit être inclus dans les règles qu’il reste à négocier.

● L’Accord-cadre sur le traitement spécial et différencié qui a été proposé pourrait également donner lieu à des amendements aux obligations en vigueur, mais cela se ferait par l’acceptation d’un Accord de l’OMC totalement nouveau.

● L’instrument juridique et la politique choisis afin de mettre en œuvre le mandat de négociation aura des conséquences tant juridiques que pratiques. L’une des options possibles est l’adoption, à une majorité des trois quarts des membres, d’une « interprétation faisant autorité », conformément à l’article IX:2 de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC [Note 3]. Cependant, cette procédure ne peut pas être utilisée pour amender les Accords de l’OMC car cela éroderait les dispositions de l’article X de l’Accord de Marrakech, qui prévoit des procédures spéciales pour les amendements.

● L’amendement formel des Accords de l’OMC, tel que défini à l’article X, laisse entrevoir la possibilité d’établir des obligations différenciées parmi les membres de l’OMC car les amendements modifiant les droits ou les obligations des membres ne prennent effet que pour ceux qui les ont acceptés et après adoption par les deux-tiers des membres. En revanche, les amendements qui ne modifient pas les droits ou les obligations prennent effet pour tous les membres dès leur acceptation par une majorité de deux-tiers.

● Le paragraphe 47 de la Déclaration de Doha prévoit la mise en œuvre provisoire de certains changements dans les droits et obligations des membres, tels que décidés dans le cadre du Programme de travail de Doha. Cela semble ouvrir la possibilité d’une mise en œuvre « à plusieurs vitesses ».

● Les changements qui ont été prévus pour le Mémorandum de règlement des différends n’entrent pas dans le cadre de l’approche de l’« engagement unique » adoptée pour le reste des thèmes traités dans le Programme de travail.

● Bien que le Programme de travail de Doha ait été nommé par certains « Agenda de développement de Doha », il semble que le système commercial multilatéral ne reconnaisse pas encore le droit au développement. Une approche de développement basée sur les droits a l’avantage d’inclure les pays en développement, qui deviennent alors des intervenants et des participants actifs plutôt que des bénéficiaires.

● Dans le contexte de l’OMC, il est reconnu que le mot « consensus » signifie l’absence d’une objection formelle [Note 4]. Cependant, la signification des mots « consensus explicite », utilisés aux paragraphes 20, 23, 26 et 27 de la Déclaration de Doha, n’est pas très claire. Plusieurs intervenants ont fait allusion aux remarques que le Président Kamal a faites à la Conférence ministérielle de Doha : « je crois comprendre qu’[…]une décision devrait effectivement être prise par consensus explicite avant que des négociations sur le commerce et l'investissement, le commerce et la politique de la concurrence, la transparence des marchés publics et la facilitation des échanges puissent avoir lieu. À mon avis, cela donnerait aussi à chaque Membre le droit d'adopter une position sur des modalités qui empêcherait la tenue de négociations après la cinquième session de la Conférence ministérielle tant que ce Membre n'est pas disposé à s'associer à un consensus explicite ».

● Les pays en développement doivent examiner si l’approche de « l’engagement unique », adopté lors du Cycle d’Uruguay, sert leurs intérêts. Il est probable qu’une autre approche, qui comprendrait « une géométrie variable », soit en fait plus bénéfique pour eux.

● Il y a longtemps déjà que le traitement spécial et différencié a sa place dans le système commercial multilatéral et il peut être considéré comme un principe clé du régime de l’OMC. Il prend plusieurs formes, dont notamment des dispositions destinées à assister les pays en développement afin de faciliter la réalisation de certains buts en matière de politique, des procédures souples, des périodes de transition, des amendements autorisant le traitement préférentiel, des constatations relatives à des objectifs particuliers, une certaine flexibilité dans l’adoption d’engagements, et l’assistance technique.

● L’importance du traitement spécial et différencié est réaffirmée dans la Déclaration de Doha. Les dispositions relatives à cette question doivent désormais être étudiées afin de les renforcer et de les rendre plus précises, efficaces et opérationnelles. La Déclaration de Doha avalise également le programme de travail sur le traitement spécial et différencié contenu dans la Décision relative à la mise en œuvre.

● La proposition selon laquelle il faudrait rendre impératives les dispositions qui ne le sont pas est l’un des aspects-clé du programme de travail sur le traitement spécial et différencié. Cependant, changer simplement  « devraient » par « devront » pourrait être une approche un peu trop simpliste. Les interprétations faisant autorité ou les décisions prises à la Conférence ministérielle devraient également être étudiées.

● Les éléments fondamentaux du traitement spécial et différencié sont l’équité et la justice. Cela est dû à la reconnaissance du fait q’une approche unique pourrait poser des difficultés à certains membres. Plutôt que de considérer le traitement spécial et différencié comme un ensemble de concessions octroyées aux pays en développement, celui-ci devrait être vu comme un droit acquis de l’OMC et destiné à augmenter leur participation au système commercial.

● Cependant, le traitement spécial et différencié n’a pas encore atteint les objectifs qui lui avaient été fixés. En particulier, quelques dispositions n’ont pas été exploitées car elles ne sont pas claires, pas impératives ou difficiles à utiliser. Afin d’accroître l’efficacité du traitement spécial et différencié, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme de surveillance et d’évaluation. Des critères objectifs doivent également être fixés et inclure les cibles et les instruments utilisés, ainsi que les pays impliqués.

● Selon le mandat relatif au traitement spécial et différencié contenu dans la Déclaration de Doha, il serait nécessaire d’établir un organe central  qui serait axé sur ce sujet. Il faut éviter que cette question ne soit répartie entre différents organes subsidiaires. Peut-être les pays en développement devraient-ils utiliser une approche plus sélective à cette question afin de rendre le cadre des négociations plus précis.

● Pour les pays ACP, la relation entre les Accords de partenariat économique (APE) proposés avec les Communautés européennes (CE) et l’état d’avancement des négociations dans l’après-Doha est une question importante. Il pourrait être avantageux d’avancer plus rapidement dans les négociations relatives aux APE et, de ce fait, susciter davantage de soutien de la part des CE lors de celles entamées après Doha.

● Les préférences commerciales, tout comme le traitement spécial et différencié en tant que principe, sont sous pression et risquent d’être compromises.

● L’hétérogénéité des pays en développement en tant que groupe pose problème. L’adaptation du paragraphe 13 de la Déclaration de Doha (sur l’agriculture) pourrait être une alternative à l’approche « en bloc ». En effet, selon celui-ci, le traitement spécial et différencié doit être « incorporé dans les Listes de concessions ». Cela permettra d’éviter le problème des obligations conjointes et larges, qui s’appliquent à tous les pays en développement et sont souvent vagues et difficiles à appliquer. Ainsi, l’approche sera plus souple et combinera les problèmes spécifiques et les solutions.

● La possibilité d’une coopération Sud-Sud en ce qui concerne le traitement spécial et différencié mériterait d’être explorée. Le Système généralisé des préférences commerciales est un exemple de coopération de ce type.

● Bien qu’un grand nombre de dispositions sur le traitement spécial et différencié fasse partie d’un cadre juridiquement contraignant, les obligations elles-mêmes sont souvent « non contraignantes ». Elles sont basées sur une combinaison d’amendements à des traités et de dérogations acceptées par les membres.

● L’une des conséquences du Cycle d’Uruguay a été d’éloigner le traitement spécial et différencié des premiers objectifs axés sur le développement pour en faire un point de négociation et de différend.

● Lorsque les propositions concernant la possibilité de rendre davantage de dispositions sur le traitement spécial et différencié obligatoires sont étudiées, il convient de tenir compte de l’expérience que les pays en développement ont eue avec celles qui le sont déjà. Certaines dispositions obligatoires se sont révélées être moins efficaces que prévu, en raison parfois de tactiques évasives que des pays développés ont mises au point.

● Il faut également être attentif à l’érosion des bénéfices du traitement spécial et différencié, dû à des accords bilatéraux accessoires ou aux lourdes exigences qui ont été imposées aux pays en développement lors du processus d’accession à l’OMC.

● Une nouvelle rédaction des dispositions relatives au traitement spécial et différencié destinée à les rendre obligatoires modifierait les droits et les obligations des membres ; dans ce contexte, il se peut que les changements proposés deviennent une question de négociation et de compromis. Il pourrait être demandé aux pays en développement de faire des concessions importantes afin d’atteindre cet objectif. Ils auront besoin de définir de façon exacte ce qu’ils sont prêts à offrir dans ce domaine.

● La possibilité d’avoir recours à une interprétation faisant autorité afin d’améliorer les dispositions relatives au traitement spécial et différencié peut être considérablement limitée par l’exigence selon laquelle cette procédure ne doit pas, de par son utilisation, éroder les procédures d’amendement contenues dans l’article X de l’Accord de Marrakech.

● L’Accord-cadre sur le traitement spécial et différencié qui a été proposé devra clairement définir les principes et les objectifs sur lesquels il est basé. Il serait peut-être utile de mettre l’accent sur les obligations de résultat plutôt que sur les obligations de moyen car, souvent, elles sont tellement vagues qu’elles perdent leur sens véritable (par exemple, « les Membres tiendront compte des besoins spéciaux des pays en développement Membres »).

● En ce qui concerne le règlement des différends, l’Accord-cadre proposé pourrait être considéré comme un « accord visé », auquel cas les procédures de règlement des différends s’appliqueraient. Cela nécessiterait que le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends soit amendé.

● Le traitement spécial et différencié est passé par plusieurs étapes lors de son développement, mais le Cycle d’Uruguay ainsi que l’impact des programmes d’ajustement structurel qui restreint les différentes options de politique que les pays en développement peuvent choisir, l’ont tous deux limité.

● Etant donné que certains pays en développement ont désormais fait des propositions détaillées en ce qui concerne le traitement spécial et différencié, la question principale reste celle de la volonté politique.

● L’élément principal du traitement spécial et différencié est la discrimination, par le biais de la création de droits et de privilèges spécifiques accordés à certains pays. Il est dès lors très important de définir quels sont les pays qui entrent dans le groupe des pays en développement car ce seront eux les bénéficiaires de ce traitement spécial. Il est nécessaire d’étudier les critères qui peuvent être appliqués, de même que la possibilité de créer différentes catégories de pays en développement ou encore une « gradation » des pays en développement plus avancés.

● Les questions d’ordre politique relatives au traitement spécial et différencié se situent par conséquent aussi bien aux niveaux Nord-Sud que Sud-Sud.

● Une amélioration du traitement spécial et différencié devra peut-être non seulement passer par la mise en place d’un mécanisme de surveillance mais également par celle d’un accès au système de règlement des différends. Le traitement spécial et différencié devrait peut-être devenir un motif de plainte en situation de non-violation.

● Le Comité du commerce et du développement a lancé son programme de travail sur le traitement spécial et différencié en décembre 2001 avec, pour objectif, la préparation d’une série de recommandations qu’il a présentées au Conseil Général en juillet 2002.

● Malgré le fait qu’un grand nombre de propositions ait émané des pays en développement, les progrès ont été limités jusqu’à présent. Cela est en partie dû aux contraintes sur le plan des ressources auxquelles les missions des pays en développement doivent faire face, ce qui restreint leur capacité à participer de façon active aux négociations. Cependant, il existe également un manque de volonté politique à s’engager dans des négociations détaillées sur les questions que les pays en développement ont soulevées dans leurs propositions.

● Le débat relatif aux besoins du traitement spécial et différencié doit inclure certains aspects, comme le lien entre un accès au marché amélioré et les ressources utilisées pour le service de la dette des pays en développement, de même que le transfert de technologie et le fait que ces derniers soient tributaires des produits primaires.

● Les pays en développement ont fait de nombreuses propositions qui portent souvent sur des aspects spécifiques du traitement spécial et différencié. Cependant, la progression est lente, certaines communications récentes étant encore en train d’être examinées par d’autres membres. De plus, les pays développés membres semblent vouloir inclure d’autres questions plus larges dans l’ordre du jour.

● Parmi les questions transversales qui ont été soulevées, certaines concernent l’utilisation et les objectifs des dispositions relatives au traitement spécial et différencié, de même que les critères de référence, l’assistance technique et les aspects institutionnels.

● Etant donné que la date-butoir pour la présentation du rapport a été fixée à juillet, il est probable que le celui du Comité au Conseil général soit limité dans sa portée et qu’un travail supplémentaire soit encore nécessaire à l’avenir.

● Bien que l’exercice ait été bénéfique pour les pays en développement en termes de réflexion et d’analyse, un engagement constructif est nécessaire de la part de tous les membres afin de pouvoir progresser.

● Le traitement spécial et différencié est un droit revenant aux pays en développement qui devra être défendu après Doha. Il est important de garder le débat relatif à ce sujet au sein d’un forum central (le Comité du commerce et du développement) plutôt qu’il soit dispersé parmi les organes subsidiaires.

● Equité et promotion du développement devraient être les objectifs des dispositions relatives au traitement spécial et différencié.

● Les dispositions actuelles doivent être modifiées et renforcées afin de mieux répondre aux problèmes spécifiques des pays en développement, comme le manque de développement industriel et d’accès aux technologies, le fait qu’ils soient tributaires des matières premières, la prévalence de l’agriculture de subsistance, les difficultés à assurer la sécurité alimentaire et le manque de ressources disponibles pour l’octroi de subventions.

● En étudiant les différentes options possibles pour améliorer la mise en œuvre et la surveillance du traitement spécial et différencié, il est nécessaire de tenir compte du fait que le régime de règlement des différends n’est pas forcément à la portée des pays en développement.

● Les pays en développement devraient se méfier de l’adoption d’une position qui revient à défendre le principe du traitement spécial et différencié « à tout prix ». En fait, il doivent garder à l’esprit le fait que le traitement spécial et différencié est négocié avec d’autres membres de l’OMC et que les pays en développement peuvent donc être amenés à faire d’importantes concessions pour obtenir, en retour, un traitement spécial et différencié amélioré. Ils doivent s’assurer que les bénéfices qu’ils reçoivent de cette amélioration sont à la hauteur du « coût » que représente ces concessions.

● Il existe des tensions entre, d’une part, les règles de l’OMC relatives aux normes techniques et sanitaires et, d’autre part, les régimes commerciaux préférentiels. Cela vient du fait que ces normes peuvent être des obstacles qui empêchent les pays en développement de tirer profit de meilleures conditions d’accès au marché provenant des taux de droits préférentiels.

● Pour ce qui est de l’article 66:2 de l’Accord sur les ADPIC [Note 5], une approche possible pour les pays en développement est celle de rassembler des données relatives aux entreprises des pays développés qui participent au transfert des technologies et ont établi des partenariats avec les PMA afin de définir si elles tirent un bénéfice de ces encouragements. Il serait également profitable de réfléchir aux mesures concrètes qui pourraient être mises en place par les pays développés (comme, par exemple, des incitations fiscales).