I. Introduction
1. En réponse aux demandes émanant de Pays les moins favorisés (PMF) et dans le cadre de ses projets d'assistance, le 24 novembre 2000, l'ACICI a organisé un séminaire portant sur les enjeux de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce pour les PMF. Ce séminaire a été organisé grâce à l'appui et à la collaboration de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
2. Les sessions formelles ont couvert les points suivants:
- exclusions et alternatives aux brevets - article 27.3 (b);
- indications géographiques;
- transfert de technologie, Investissement étranger direct (IED) et concurrence;
- savoirs traditionnels et ressources génétiques;
- table ronde sur les intérêts des PMF
II. Exclusions et alternatives aux brevets - article 27.3(b)
3. Les orateurs ont développé les principaux points suivants:
- l'Accord sur les ADPIC établit des normes minimales de protection des Droits de propriété intellectuelle (DPI). Cependant, le paragraphe 3 (b) de l'article 27 montre une certaine flexibilité. Pour les végétaux et les animaux, le brevetage n'est pas obligatoire (mais il est permis), en revanche, il s'impose en ce qui concerne les microorganismes et les procédés non biologiques et microbiologiques;
- pour certaines communautés des pays en développement, les végétaux et les animaux sont d'une grande importance, ce qui n'est pas le cas pour tous les pays développés. Il conviendrait pour les pays en développement de maintenir la flexibilité qui permet d'exclure du brevetage les végétaux et les animaux;
- le brevetage pose en soi des problèmes de définition. Par exemple qu'entend-on par invention nouvelle qui implique une activité inventive et qui est susceptible d'une application industrielle ? Par ailleurs, les scientifiques n'ont pas encore convenu de la définition de certains termes de base, comme par exemple en ce qui concerne les microorganismes. Il est possible que dans le cas de l'Accord sur les ADPIC, le problème soulevé par la définition de certains termes soit soumis au Mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Cependant, étant donné qu'environ 90% des ressources génétiques de la planète se trouvent dans les pays en développement, le recours à ce mécanisme pourrait s'avérer risqué;
- comme convenu dans l'Accord sur les ADPIC, les Membres de l'OMC octroient une protection aux obtenteurs végétaux moyennant des brevets, ou moyennant un système efficace sui generis ou moyennant une combinaison des deux. Selon la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (Convention de l'UPOV), les variétés végétales doivent pouvoir être protégées moyennant un système sui generis. Ce système peut être établi à travers la concession de licences qui favorisent l'accès à la recherche et permettent aux agriculteurs de conserver des semences pour le cycle de semailles suivant. Cependant, il est important de maintenir les droits traditionnels des agriculteurs pour qu'ils puissent utiliser leurs semences ; même si la Convention de l'UPOV de 1991 ne mentionne pas de façon spécifique les droits des agriculteurs, elle contient certaines clauses qui limitent les droits des obtenteurs (de semences);
- tout système sui generis doit contenir une claire définition de l'objet en soi, sa distinction, son uniformité et sa stabilité;
- il existe deux traités internationaux de grande importance dans ce domaine : l'Accord sur les ADPIC et la Convention sur la diversité biologique (CDB). L'Accord sur les ADPIC concède, inter alia, des droits privés de monopole, tandis que la CDB octroie des droits souverains sur les ressources biologiques dans les limites des frontières d'un Etat. Il est possible que la révision du paragraphe 3 (b) de l'article 27 permette d'établir une certaine harmonie entre ces deux accords internationaux;
- certains brevets de grande portée concernant les ressources génétiques, en particulier dans des pays en développement, posent des problèmes en freinant la recherche;
- dans le cas où le paragraphe 3(b) de l'article 27 serait révisé, il conviendrait de prendre en compte les préoccupations éthiques, culturelles et religieuses que provoque la brevetabilité des êtres vivants et les cas dans lesquels il convient d'exclure cette brevetabilité pour protéger l'ordre public.
III. Les indications géographiques
4. Les principaux points des présentations des orateurs ont été les suivants:
- il n'y a pas de logique qui explique la protection spécifique octroyée aux vins et aux spiritueux. Cette protection est essentiellement un accident historique. Au moment des négociations sur les ADPIC, ces produits étaient en effet les seuls qui jouissaient de protection dans le cadre de certaines législations nationales. De plus, il était important pour l'Union européenne de maintenir cette protection. Logiquement, cette dernière pourrait s'étendre aux autres produits;
- le paragraphe premier de l'article 24 devrait suffire pour justifier le début de négociations sur l'extension de la protection des DPI;
- cependant, il serait souhaitable que les PMF mesurent attentivement les avantages de l'extension de cette protection. Certains avantages compétitifs peuvent exister pour certains produits, mais il est possible que d'autres perdent leur compétitivité et que cela puisse entraîner une plus grande charge administrative;
- le gouvernement suisse a introduit un Registre des indications géographiques pour les produits agricoles dont les caractéristiques sont les suivantes:
- il consiste en un système double qui couvre, d'une part, les appellations d'origine (toutes les phases de production ont lieu dans la même zone géographique) et, d'autre part, les indications géographiques (moins de conditions exigées);
- il demande, pour chaque produit, un processus rigoureux d'application, d'examen et de consultation publique. Une fois inscrit dans le Registre, le produit est surveillé et peut être sujet à sanctions dans le cas où les conditions exigées ne seraient pas remplies;
- il a été élaboré en conformité avec les procédures de l'UE et peut constituer la base de tout futur accord international.
IV. Transfert de technologie, investissement étranger direct (IED) et concurrence
5. Les principaux points présentés par les orateurs ont été les suivants:
- les articles 7 et 8, qui contiennent les Objectifs et les Principes de l'Accord sur les ADPIC, stipulent que la protection et le respect des DPI devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations ;
- dans le paragraphe 2 de l'article 66, il est indiqué que les pays développés Membres offriront des incitations aux entreprises et institutions sur leur territoire afin de promouvoir et d'encourager le transfert de technologie vers les pays les moins avancés Membres pour leur permettre de se doter d'une base technologique solide et viable
- il est important que les pays développés observent les dispositions contenues dans les articles 7, 8 et dans le paragraphe 2 de l'article 66;
- le transfert de technologie peut servir pour augmenter la capacité d'offre et/ou la capacité de production et de réduire la marginalisation des PMA.
- le paragraphe 2 de l'article 66 doit être appliqué à travers des programmes d'action clairement élaborés et réalisés conjointement entre la CNUCED, l'OMPI et la Banque mondiale;
- les programmes d'action pourraient inclure les aspects suivants:
- la formation et l'équipement du personnel des institutions publiques de recherche à but non lucratif:
- des programmes technologiques modernes appliqués au secteur de production agricole et à d'autres secteurs primaires;
- une couverture complète de la garantie d'investissement, des traités bilatéraux relatifs aux investissements et prêts;
- le transfert de technologie est un aspect central de l'assistance technique, même s'il doit être appuyé par un système multilatéral adéquat. Il s'agit d'un système complexe qui couvre des éléments comme les DPI, les connaissances techniques spécialisées, les politiques commerciales et technologiques, les flux d'investissement, les politiques de concurrence et le secteur privé;
- on suppose souvent que:
- les régimes de propriété intellectuelle sont synonymes de développement économique;
- la protection des DPI incite à l'innovation au sein des entreprises;
- l'application efficace des DPI favorise le transfert de technologies et réduit la crainte concernant l'appropriation indue;
- des régimes de propriété intellectuelle solides stimulent l'investissement direct étranger.
- Par ailleurs, on affirme que:
- l'Accord sur les ADPIC bénéficie surtout aux compagnies internationales qui réussissent à manipuler le système en décidant où il est préférable de transférer la technologie brevetée et à encourager une utilisation sélective de pratiques commerciales restrictives;
- l'application de l'Accord sur les ADPIC accroît le coût pour les pays importateurs nets de technologies qui sont dans leur majorité des pays en développement;le renforcement des DPI et la réduction des obstacles au commerce fait que l'exportation de produits finis est plus attirante que le transfert de technologies;
- l'Accord sur les ADPIC restreint l'accès à la technologie et limite ainsi le développement;
- de façon générale, les PMA se situent entre les suppositions et les affirmations susmentionnées. Il faut noter que:
- la technologie dont ont besoin les PMA est de caractère générique et ouvert et se situe donc en dehors des DPI;
- les flux d'IED vers les PMA sont limités et, dans la majorité des cas, ces investissements ne sont pas orientés vers les secteurs les plus sensibles de la propriété intellectuelle
- pour les PMA, la protection offerte par les brevets n'est pas aussi importante que celle offerte par d'autres DPI, même si ces pays devraient tirer plus de profit du droit d'auteur, des marques de commerce et des dessins industriels;
il est nécessaire d'étudier les différentes manières de transférer la technologie, par exemple au moyen de biens d'équipement, d'opérations conjointes, d'assistance technique et de formation, d'octroi de licences, de mouvements de personnes, de travail en réseau/alliances, de rétroconception et de reproduction.
V. Savoirs traditionnels et ressources génétiques
6. Les points essentiels qui ont fait l'objet de développements de la part des orateurs sont les suivants:
- les PMA devraient mettre l'accent sur la façon de prévenir l'appropriation indue et de garantir une répartition équitable des bénéfices entre les compagnies internationales et les communautés traditionnelles, ce qui conduit souvent à ce que les négociations soient inégales;
- le conseil des ADPIC n'est pas le seul forum existant : la FAO, la CDB et l'OMPI constituent également des forums où les DPI sont débattus et négociés;
- ces questions sont de première importance, autant pour les pays développés que pour les PMF;
- l'OMPI réalise actuellement, en collaboration avec un Comité international, des études de faisabilité sur la manière de protéger ces domaines. Ce Comité présentera son rapport en 2004. Les questions qui seront abordées sont les suivantes:
- pour une part importante d'individus, les connaissances écologiques traditionnelles représentent un domaine important;
- savoir s'il convient de définir ou pas ce que l'on entend par savoirs traditionnels et ressources génétiques (probablement pas);
- comment obtenir les droits;
- comment appliquer les dispositions;
- pour combien de temps ces droits doivent-ils être garantis;
- il est nécessaire que la législation relative à ces questions et sa coordination ne soit pas uniquement centrée sur des organismes nationaux, mais qu'elle soit également discutée et élaborée dans le cadre sous-régional (par exemple ceux du bassin amazonien), régional (par exemple les pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud) et international (ADPIC/OMPI).
VI. Table ronde sur les intérêts des PMF
7. Parmi les points abordés par les orateurs les principaux sont les suivant:
- les DPI constituent un compromis entre la volonté de préserver l'incitation pour créer des connaissances et le souhait de les diffuser à faible coût ou de telle façon qu'ils n'entraînent aucun coût.
- le transfert de revenus provenant des DPI est énorme ; les véritables perdants sont les grands pays en développement comme le Brésil, l'Inde, la Corée, le Mexique et l'Afrique du Sud;
- on ne sait avec certitude si les brevets sont en soi un stimulant suffisant pour attirer l'investissement étranger direct;
- les pays en développement qui ont introduit les indications géographiques peuvent porter préjudice, en augmentant les prix, à d'autres pays en développement consommateurs ou qui peuvent produire des produits de substitution de qualité équivalente ou supérieure;
- les dispositions de l'Accord sur les ADPIC relatives au transfert de technologie devraient être appliquées. Il conviendrait d'ailleurs d'établir des objectifs concrets comme l'obtention de brevets qui soient garantis aux pays en développement, des contributions à la Global Alliance for Vaccines and Immunization (Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation) et des incitations fiscales aux entreprises qui transfèrent de la technologie aux domaines prioritaires des PMA;
- les bénéfices de la recherche et du développement dans les pays développés obtenus à partir des savoirs traditionnels, devraient être répartis de façon plus équitable avec les peuples autochtones et les communautés locales;
- il serait souhaitable de fixer des délais raisonnables pour l'application de l'Accord sur les ADPIC;
- la compatibilité entre le paragraphe 3(b) de l'article 27, la CDB et la Convention de l'UPOV devrait être examinée, et il faudrait octroyer aux Membres le temps nécessaire pour introduire de possibles modifications;
- il serait utile que la Banque mondiale développe des programmes actifs de diffusion des connaissances;
- la CNUCED vient de tenir une réunion d'experts au cours de laquelle a été étudiée la protection des savoirs traditionnelles. Les aspects suivants ont été abordés:
- on ne tient pas suffisamment compte de l'importance des savoirs traditionnels dans des domaines comme l'assistance médicale et les entreprises artisanales;
- les instruments juridiques ne sont pas suffisants ; la coopération et l'échange d'informations sont nécessaires à tous les niveaux (international, régional et national);
- les systèmes sui generis peuvent être utiles pour protéger les savoirs traditionnels, comme peuvent l'être les systèmes de registre. Les indications géographiques pourraient également être utilisées;
- le rapport de cette réunion sera publié dans les plus brefs délais;
- En ce qui concerne le transfert de technologie, les pays développés doivent fournir des incitations même si, comme est en train de l'examiner actuellement le Conseil des ADPIC, les pays en développement peuvent apporter des suggestions. Compte tenu du fait que la majorité des savoirs est susceptible d'être appropriée, il incombe aux gouvernements de négocier avec le secteur privé.
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